Un excès d’écran peut avoir des effets désastreux sur le sommeil et la santé en générant des désordres au plan physique et psychologique.
Sommeil
L’impact négatif des écrans sur le sommeil est aujourd’hui bien établi.
La lumière bleue perturbe l’horloge biologique et par cela même le sommeil. Elle active des photorécepteurs situés dans la rétine, ce qui empêche la synthèse de la mélatonine, “hormone de l’horloge biologique”.
La lumière bleue émise par les écrans contribue à bloquer la production de mélatonine et favorise ainsi l’éveil, même à des niveaux faibles d’exposition.
La lecture sur un iPad dans les heures précédant le coucher, par rapport à la lecture du même livre sur papier, est corrélé à un changement de 90 minutes des rythmes circadiens et supprime les niveaux de l’hormone favorisant le sommeil, la mélatonine.
Chang, Aeschbach, Duffy et Czeisler, 015. Actes de la National Academy of Scientists ↗
Le simple fait de porter des lunettes « anti-lumière bleue » tout en continuant à utiliser écrans ou tablettes permettait d’augmenter de 58% les niveaux de mélatonine des participants.
Ostrin, Abbott er Queener, Attenuation of short wavelengths alters sleep and the ipRGC pupil response ↗
L’exposition aux écrans avant le coucher peut provoquer des troubles du sommeil dû au temps passé sur les écrans qui empiète sur celui du sommeil, ce qui peut à terme dérégler le rythme biologique et causer épuisement et fatigue chronique.
Notre sommeil est de plus en plus court : nous dormons 6h42 en moyenne soit 1h30 de moins qu’il y a 50 ans.
Les assauts contre le temps de sommeil se sont intensifiés au cours du XXe siècle. L’adulte américain moyen dort aujourd’hui environ six heures et demie par nuit, soit une érosion importante par rapport à la génération précédente, qui dormait en moyenne huit heures, sans parler du début du XXe siècle où – même si cela paraît invraisemblable –cette durée était de dix heures.
Jonathan Crary, 24/7: Le capitalisme à l’assaut du sommeil, 2013 ↗
L’exposition aux écrans avant et pendant le coucher réduit la qualité et la durée du sommeil:
Une revue systématique et une méta-analyse de 20 études ont montré des preuves solides et cohérentes d’une association entre l’accès au coucher avec l’utilisation des appareils et la réduction de la quantité et de la qualité du sommeil, ainsi qu’une augmentation de la somnolence diurne.
Carter, Rees et Hale, 2016, Journal de l’American Medical Association : Pediatrics ↗
Santé mentale
Une surexposition aux écrans peut entraîner des risques pour le cerveau.
La technologie provoque de véritables addictions (sens médical du terme). Celle-ci est notamment encouragée par les systèmes de récompenses aléatoires. Comme l’a découvert le psychologue Burrhus Skinner, plus la récompense est imprévisible, plus l’addiction grandit.
Les plateformes numériques utilisent abondamment ce biais comportemental pour nous piéger et capter notre attention. On retrouve le même mécanisme dans les très rentables machines à sous des casinos. Les plateformes ont grand intérêts à ce que nous restions scotchés devant nos écrans. Plus nous restons longtemps, plus elles collectent de données et génèrent de profit.
Loin de faire naître la distance ou le découragement, l’incertitude produit une compulsion qui se transforme en addiction. L’appât du gain, même minuscule, empêche tout éloignement face au mécanisme. Comme la récompense est irrégulière, il est impossible, pour le sujet soumis à l’expérience, d’élaborer un comportement visant à maîtriser la machine.
Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge: Petit traité sur le marché de l’attention, 2019 ↗
Estime de soi mise à mal par l’usage intensif des réseaux sociaux à force de comparaison permanente.
En 3 ans, le nombre de chirurgiens esthétiques ayant eu des patients opérés de chirurgie esthétique par souci de bien paraître sur les réseaux sociaux a quadruplé (de 13% en 2016 à 55% en 2019). La plus forte augmentation concerne les patients de moins de 30 ans et en particulier les adolescents. Les médecins soulignent le rôle des réseaux sociaux dans l’apparition de nouveaux canons de beauté extrêmes qui déformant la perception des usagers . Selon les cliniciens, ce type de trouble dysmorphique corporel ( ou “dysmorphie Snapchat”) est en rapide augmentation.
Rajanala, S., Maymore, M. B. C., & Vashi, N., 2018. JAMA Network: Facial Plastic Surgery ↗
Le nombre de “J’aime” sur un compte Instagram de célébrité peut changer considérablement la façon dont vous vous voyez. Une étude expérimentale a montré que lorsque les femmes étaient exposées à différentes images Instagram de célébrités, leurs notes sur leur propre apparence faciale diminuaient en proportion directe du nombre de “j’aime” attachés à chaque image qu’elles voyaient. Étant donné qu’il y a 1 milliard d’utilisateurs actifs d’Instagram et que certaines célébrités ont plus de 150 millions de followers, l’ampleur de l’impact est vaste.
Tiggemann, M., Brown, Z., & Veldhuis, J., 2018. Body Image ↗
Les réseaux sociaux peuvent avoir des effets négatifs sur le bien-être émotionnel.
Un mois sans Facebook conduit à une amélioration significative du bien-être émotionnel. Dans une étude expérimentale portant sur plus de 1 600 adultes américains (qui utilisaient normalement Facebook jusqu’à une heure par jour), la désactivation des comptes Facebook a entraîné une augmentation significative du bien-être émotionnel (y compris une réduction de la solitude et une augmentation du bonheur), ainsi qu’une réduction significative de la polarisation politique.
Allcott, H., Braghier, L., Eichmeyer, S., & Gentzkow, M., 2020. American Economic Review ↗
Attention et cognition
Une surexposition aux écrans peut entraîner des risques pour le cerveau.
Les circuits du cerveau sont peu à peu modifié par l’usage des appareils numérique.
Calme, concentré et fermé aux distractions, l’esprit linéaire est marginalisé par un esprit d’un nouveau type qui aspire à recevoir et à diffuser par brefs à-coups une information décousue et souvent redondante – plus c’est rapide, mieux c’est.
Nicholas Carr, Internet rend-il bête ?, 2010 ↗
Comme l’a montré Marshall MacLuhan, les médias (au sens de “moyen, technique et support de diffusion massive de l’information”) modèlent nos processus de pensée et fournissent le matériau même de celle-ci.
C’est l’essence de la sombre prophétie de Kubrick : à mesure que nous nous servons des ordinateurs comme intermédiaires de notre compréhension du monde, c’est notre propre intelligence qui devient semblable à l’intelligence artificielle.
Nicholas Carr, Internet rend-il bête ?, 2010 ↗
Réduction des capacités cognitives provoquée par la présence d’un smartphone, même éteint, qui sape les ressources attentionnelles.
La présence d’un smartphone, même éteint, peut réduire la capacité cognitive en sapant les ressources attentionnelles qui résident au coeur de la capacité de la mémoire de travail et de l’intelligence fluide.
Ward, Duke, Greezy et Bos, 2017, Journal de l’Association for Consumer Research ↗
Plus votre niveau de dépendance à Facebook est élevé, plus votre volume cérébral est faible. L’IRM cérébrale des utilisateurs de Facebook a démontré une réduction significative de la matière grise dans l’amygdale en corrélation avec leur niveau de dépendance à Facebook. Cet élagage de la matière cérébrale est similaire au type de mort cellulaire observé chez les cocaïnomanes.
He, Q, Turel, O., & Bechara, A., 2017. Nature: Science Reports ↗
Lorsque nous utilisons trop d’écrans, notre cerveau est davantage sollicité par l’environnement et nous sommes moins à l’écoute de nous-même.
Pierre-Marie Lledo, Interview Sur le bon usage des écrans ↗
Les notifications et alertes des smartphones génèrent des symptômes similaires au TDAH, Trouble du déficit de l’attention.
Être constamment interrompu par des alertes et des notifications peut contribuer à une augmentation problématique du déficit d’attention dans notre société numérique connectée.
Kostadin Kushlev chercheur en psychologie
Silence Your Phones”: Smartphone Notifications Increase Inattention and Hyperactivity Symptoms ↗
Une activité numérique multitâches peut causer des troubles de l’attention qui peuvent générer des difficultés à se focaliser sur une dimension particulière et une altération de la mémoire. A terme, c’est un risque non négligeable de connaître des troubles de l’humeur tels que l’anxiété, la dépression ou l’hyperactivité.
Jongler entre différents écrans rend les consommateurs moins aptes à filtrer les distractions – ils sont de plus en plus avides de nouveautés, ce qui offre davantage d’opportunités de pirater leurs attention.
Jonathan Crary, 24/7: Le capitalisme à l’assaut du sommeil, 2013 ↗
Une méta-analyse d’articles a révélé une corrélation négative entre le multitâche multimédia et la mémoire. Cette constatation est notable car la plupart des médias sociaux et des applications sont pris dans une course à notre attention, augmentant notre niveau de multitâche.
Uncapher et Wagner, 2018, Arthur M. Sackler, Colloque de la National Academy of Science ↗
Santé physique
L’usage excessif des écrans peut avoir des effets néfastes sur la santé physique.
L’usage déraisonnable de nos appareils numériques peut être à l’origine de douleurs et déclencher des troubles musculo-squelettiques (TMS) qui affectent les tendons et muscles dans la région lombaire, de la nuque, des épaules, des poignets et des mains. 5 % des TMS en France seraient dus au travail sur écran.
Le “text neck” est une des TMS les plus fréquente chez les usagers numériques. Cette expression désigne les douleurs qui apparaissent au niveau des cervicales suite à l’usage des smartphones, tablettes numériques et autres écrans d’ordinateurs.
INRS ↗
L’inactivité physique et la sédentarité gagnent du terrain et cette situation est d’autant plus préoccupante que l’inactivité physique est considérée comme le quatrième facteur de maladies non transmissibles dans le monde.
Cette baisse de l’activité physique est corrélée à l’augmentation des comportements sédentaires et notamment à la pratique croissante des écrans.
Il existe une corrélation entre baisse de l’activité physique et usage croissant des écrans.
L’immense risque de ce début de XXIe siècle, qui vaut pour les hommes et les femmes, mais encore plus semble-t-il pour les femmes, c’est cette sédentarisation par le biais d’une communication qui est de plus en plus immobilisatrice.
Jean Francois Toussaint, professeur de physiologie et directeur de l’IRMES.
Étude ESTEBAN 2014-2015 / Activité physique et sédentarité ↗
La surexposition aux éclairages artificiels des appareils numériques peut avoir des conséquences délétères à court et long terme.
Lumière bleue
Dans son expertise de 2019, l’ANSES attire l’attention sur les dangers de ces lumières bleue et met en lumière deux types d’effets néfastes sur la rétine :
- Effets phototoxiques à court terme liés à une exposition aiguë.
- Effets à long terme liés à une exposition chronique, qui augmentent le risque de survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge.
L’ANSES alerte tout particulièrement sur la plus forte vulnérabilité des enfants et des jeunes dont les yeux ne filtrent pas complètement la lumière bleue.
Effets sur la santé humaine et sur l’environnement des systèmes utilisant des LED, Expertise Anses, 2019 ↗
Syndrome de l’oeil sec
Le syndrome de l’oeil sec se caractérise par un manque de larmes provoquant des sensations de brûlures ou d’irritation. Il peut être lié à plusieurs facteurs :
- La climatisation qui assèche l’air ambiant.
- Un écran placé trop haut par rapport aux yeux : plus on relève l’axe du regard, moins on cligne des yeux.
- La rareté du clignement des paupières lors de longues durées de fixation de l’écran.