Comprendre les boucles de rétroaction addictives avec Nir Eyal

Dans Hooked, Nir Eyal analyse les processus psychologiques qui entrent dans la formation des habitudes et dévoile comment certaines plateformes numériques exploitent nos faiblesses psychologiques. Ainsi, des milliers de personnes travaillent à détourner notre attention pour nous rendre accro aux écrans.

Hooked

Nir Eyal est un auteur, consultant et enseignant sur des thèmes à l’intersection des neurosciences, des technologies et du business. Il a enseigné à Stanford et publie régulièrement dans Harvard Business Review. The Atlantic. TechCrunch et Psychology Today.

Selon une étude universitaire, les gens consultent leur téléphone 34 fois par jour. Mais d’après les spécialistes du secteur, on approcherait plutôt le chiffre sidérant de 150 consultations quotidienne.

Reconnaissons-le : nous sommes accros !

C’est en ces termes que Nir Eyal touche du doigt la plus grande réussite marketing de ces dernières décennies. Au fil des pages il décrypte le mécanisme de l’addiction à un produit ou à un service.

Les neurosciences ont largement permis de comprendre le fonctionnement de notre cerveau et de jouer sur notre besoin de satisfaction. Cela se déroule en quatre étapes :

  • 1. Déclencheurs
  • 2. Récompense
  • 3. Action
  • 4. Investissement

Vous êtes marketeur, créateur, entrepreneur ? Il vous dévoile le processus infaillible qui permettra de rendre votre client accro.

Vous être client, utilisateur ? Vous comprendrez pourquoi vous ne pouvez plus vous passer de telle application, de tel service ou de tel produit.

La zone des habitudes

Les habitudes sont des comportements plus ou moins conscients. 
 qui s’activent comme solution en réponse à des situations données. Elles nous aident à conserver notre attention pour d’autres choses pendant que nous faisons des tâches .

Pour déterminer le potentiel d’un produit addictif, Nir Eyal retient deux facteurs à considérer :

  • la fréquence à laquelle l’usage a lieu
  • l’utilité perçue par l’usager par rapport aux solutions alternatives

Un comportement qui se produit avec une fréquence suffisante et une utilité perçue entre dans la zone des habitudes, ce qui en facilite son adoption de comportement par défaut. Ainsi, plus un produit est inutile, plus il se doit d’être addictif.

Un produit qui sait former des habitudes dispose d’importants avantages concurrentiels qui génèrent plus de revenus à long terme. Créer des habitudes est donc un enjeu crucial pour les plateformes numériques.

Un produit qui sait former des habitudes dispose d’importants avantages concurrentiels qui génèrent plus de revenus à long terme. Créer des habitudes est donc un enjeu crucial pour les plateformes numériques.

Le modèle Hook

Nir Eyal propose un modèle conçu pour connecter le problème d’un usager à une solution utile et gratifiante.  

Il se décompose en quatre phases : 

  • le déclencheur
  • l’action
  • la récompense variable
  • l’investissement
Grâce à plusieurs cycles de harponnage consécutifs, les produits génèrent l’engagement spontané de l’utilisateur, l’amenant à revenir encore et encore, sans qu’il y ait besoin de recourir à des campagnes de publicité dispendieuses ou à des messages agressifs.

Nir Eyal, Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes

Régulièrement répété, ce modèle conduira l’utilisateur à former une addiction.

Les déclencheurs

Les déclencheurs poussent l’utilisateur à l’action. C’est la porte d’entrée du modèle Hook. Il en existe deux types : externes et internes.

Les déclencheur externes

Les déclencheurs externes indiquent à l’usager ce qu’il doit faire ensuite, en plaçant l’information dans son environnement.

  • Déclencheur payé (publicité, référencement payant, etc.)
  • Déclencheur gagné (mentions de presse, vidéos virales, etc.)
  • Déclencheur de relation (bouche à oreille, invitation, partage sur les réseaux sociaux, etc.)
  • Déclencheur propriétaire (application, newsletter, notification, etc.)

Les déclencheur internes

Les déclencheurs internes indiquent à l’usager ce qu’il doit faire ensuite par des associations enregistrées dans sa mémoire. 

Très souvent, ce sont les émotions négatives qui servent de déclencheurs internes.

Au lieu de s’en remettre à des politiques marketing ruineuses, les entreprises créatrices d’habitudes lient leurs services aux routines des utilisateurs et à leurs émotions. Une habitude est enclenchée lorsque, sentant poindre l’ennui, l’utilisateur se jette aussitôt sur Twitter. Au premier signe de solitude, sans même y réfléchir, le voilà sur Facebook. Une question lui vient à l’esprit, avant même d’exercer sa mémoire, il interroge Google. La première solution arrivée au cerveau a gagné.

Nir Eyal, Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes

Lorsque l’utilisateur enclenche spontanément le prochain comportement, la nouvelle habitude entre dans sa routine quotidienne. 

Pour créer un produit addictif, les plateformes identifient quelles émotions de l’utilisateur sont susceptibles d’être liées à des déclencheurs internes et savoir se servir des déclencheurs externes pour inciter l’usager à agir.

L'action

Le déclencheur seul ne suffit pas à ancrer une habitude. Il faut passer à la deuxième étape du harponnage. L’utilisateur doit maintenant agir en vue d’une récompense. Plus celle-ci sera simple, plus l’utilisateur a de chance de passer à l’action.

Pour que l’action ait lieu, agir doit être plus facile que penser. Rappelez-vous : une habitude est un comportement qui se manifeste sans qu’on y pense ou à peine. Plus l’action attendue exigera d’efforts, physique ou mental, moins elle aura de chances d’apparaître.

Nir Eyal, Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes

Pour se faire, la plateforme numérique se doit de simplifier autant que possible son interface et limiter au maximum les étapes nécessaires à l’utilisation du produit. Ainsi, plus c’est simple et rapide, moins l’utilisateur aura  conscience de ce qu’il fait. La simplicité renforce la formation d’habitudes. 

B. J. Fogg, fondateur du Stanford Persuasive Technology Lab et expert en captologie a conçu un modèle comportemental afin de simplifier au maximum l’action de l’utilisateur. Il a identifié six variables qui affectent la difficulté d’une tâche :

  • Le temps
  • L’argent
  • L’effort physique
  • La réflexion (trop compliqué)
  • La déviance (pas dans la norme)
  • L’abandon d’une routine (trop nouveau)
Au-delà de la simplicité de l’interface, les utilisateurs sont motivés à agir s’ils obtiennent les résultats qu’ils souhaitent du produit.


En général, la motivation humaine consiste souvent à des objectifs basiques :

  • la soif de plaisir et la crainte de souffrir
  • la soif d’espoir et la crainte de la peur
  • la soif d’appartenance et la crainte du rejet
Ainsi, tout comportement est activé par l’un de ces trois facteurs fondamentaux de la motivation.
Un de ces objectifs basiques adéquatement instrumentalisé motive l’utilisateur a aller au bout de son action en vue d’un résultat souhaitable.
 
Ces biais cognitifs influencent le comportement et font progresser l’utilisateur vers la phase suivante de l’harponnage. C’est à présent le moment de donner à ce dernier ce qui l’attend : la récompense qui le soulagera.
 

Les récompenses variables

Les plateformes numériques cherchent à satisfaire leurs utilisateurs afin qu’il utilisent le plus souvent et le plus longtemps possible leurs services. Pour cela, elles doivent leur apporter une solution fiable et des récompenses variables.
 

Les récompenses variables constituent la troisième phase du modèle Hook. Il en existe trois types :

  • Les récompenses de la tribu satisfont la quête de récompenses sociales. Ces récompenses nous font sentir acceptés, validés et importants. Les réseaux sociaux exploitent cette vulnérabilité en nous bombardant de récompenses variables. À chaque publication, les utilisateurs anticipent la validation sociale et cela leur donne envie de revenir.

  • Les récompenses de la chasse satisfont la quête de ressources matérielles et d’informations. Les réseaux sociaux proposent un mélange imprévisible de nouvelles et de messages. Les utilisateurs font défiler leur écran afin et recherche des récompenses variables sous la forme de contenus pertinents.

  • Les récompenses de l’ego satisfont la volonté pour soi-même de maîtriser des compétences et de poursuivre un objectif attirant. 
Les jeux vidéos exploitent ces désirs en permettant aux joueurs de gagner des niveaux, de déverrouiller des pouvoirs spéciaux, d’explorer de nouvelles zones qui montrent progression et accomplissements

Fondamentalement, les récompenses variables doivent satisfaire aux besoins des consommateurs tout en leur donnant envie de revenir. Les produits et les services les plus addictifs utilisent un ou plusieurs des trois types de récompenses variables (tribu, chasse ou ego). En réalité, ils en offrent souvent plusieurs.

Nir Eyal, Hooked : comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes

L’absence de choix donne une impression de contrainte et limite l’adoption d’un nouveau comportement. Préserver le sentiment de liberté de l’usager est donc indispensable pour l’amener à répéter son engagement. Les récompenses variables doivent satisfaire aux besoins de l’usager tout en le laissant sur sa faim avec l’envie de revenir au produit. 

L’investissement

La phase d’investissement vient juste après la récompense. C’est le moment au l’utilisateur est le plus enclin à s’investir dans le produit. C‘est l’étape où il est demandé un peu de travail à ce dernier.
 
Ainsi, l’utilisateur est invité à investir de la valeur comme du temps, de l’argent ou des données (créer un post, compléter son profil, ajouter des amis, etc.Plus l’utilisateur utilise le service plus ce dernier lui apporte de la valeur et donc plus il est susceptible de continuer à l’utiliser. 
 
L’investissement permet de préparer le prochain cycle et sert de base pour la création d’un prochain déclencheur (comme une notification suite à un partage de contenu par exemple).

L'automatisation des habitudes

Le modèle Hook est conçu pour que l’utilisateur fasse un une association mentale inconsciente entre une émotion ou un besoin avec une suite d’actions simples sur une plateforme numérique. Plus il répète ces actions et passe par des boucles Hook (déclencheurs, actions récompenses variables, investissements),  plus il le fait de manière inconsciente. 
 
 Les entreprises technologiques savent très bien que pour être rentables, elles doivent nous transformer en clients fidèles. Le succès de leurs modèles d’entreprise dépend de cela. Elles cherchent à automatiser nos comportement et en tirer avantages. Pour parvenir à leurs fins, ces dernières n’hésitent pas à se servi de la psychologie comportementale, des neurosciences tout en misant sur les avancées de “l’intelligence artificielle”. Nombreuses sont celles qui utilisent le modèle Hook de Nir Eyal pour rendre leurs produits addictifs.
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