Comprendre ce que fait internet à notre cerveau avec Nicholas G. Carr

Dans Internet rend-il bête ?, Nicholas Carr montre comment l’utilisation d’internet tend à modifier les compétences privilégiées par notre cerveau, générant une tendance à la dispersion et à la superficialité.

Internet rend-il bête ?

Nicholas Carr, membre du comité éditorial de l’Encyclopedia Britannica, est un des éditorialistes anglo-saxons les plus connus, ayant écrit pour le New York Times, le Wall Street Journal, le Guardian et Wired

Son livre Internet rend-il bête ? est nommé dans la sélection finale du prix Pulitzer 2011 et salué par la critique. 

C’est bien sûr à une révolution technique et informationnelle que nous assistons avec Internet. Mais c’est surtout à une révolution dans notre cerveau ! Vous aviez l’habitude de lire tranquillement et de façon linéaire un livre sur lequel vous portiez toute votre attention. Cela pouvait durer des heures pendant lesquelles vous, lecteurs, vous immergiez dans le monde singulier d’un auteur, en y mettant toute la concentration que vous désiriez. Regardez maintenant ce qui se passe quand vous vous connectez à Internet. Vous zappez de page en page par des liens qui vous promènent ici et là, et pendant ce temps vous êtes aussi bombardés de messages, parfois d’alertes vous informant qu’un mail vient de vous arriver ou qu’une nouvelle récente vient de mettre un blog ou un site Web (sur un flux RSS) à jour…

Que se passe-t-il alors dans notre esprit ? En quoi cet environnement électronique change-t-il notre état mental, voire notre comportement social ? Ne serons-nous bientôt plus capables de nous concentrer plus de quelques minutes sur un texte ? N’allons-nous pas nous contenter de picorer ici et là quelques bribes (de textes, de vidéos, de messages audio) ? Notre cerveau, incroyablement plastique, s’adapte très vite aux nouvelles technologies et à leurs nouvelles tentations… Quels sont les avantages et les inconvénients de ces changements pour notre esprit ?

Nicholas Carr pose ici une question fondamentale : quel monde nouveau l’Homo sapiens vient-il de se forger et y résistera-t-il ? Dans un détour historique passionnant, il nous rappelle que l’homme s’est constamment créé de nouvelles façons de penser. D’abord en inventant l’écriture (Sumer, les hiéroglyphes égyptiens…, et le passage de la culture orale à l’écrit) puis en faisant évoluer la lecture (devenue silencieuse après des siècles où elle se fit à voix haute). L’imprimerie lui a fait accomplir un saut nouveau dans l’accès à la connaissance. Et jusqu’à très récemment, la capacité à se concentrer dans la lecture, pour tout apprentissage, a été au cœur de notre mode d’éducation.

Que va-t-il se passer maintenant que des professeurs d’université – même en littérature – ne parviennent plus à faire lire leurs étudiants (Guerre et Paix, À la recherche du temps perdu… c’est bien trop long). Internet va-t-il nous rendre bêtes, comme le laissent entendre certaines études scientifiques ? Comment les générations futures vont-elles penser ?

Le progrès technique modèle notre rapport au monde

Dans l’introduction, Nicholas Carr divise les technologies en quatre catégories selon qu’elles renforcent ou complètent nos capacités innées :

  • Décupler notre force physique
  • Élargir le spectre de notre sensibilité
  • Remodeler la nature
  • Étendre ou soutenir nos capacités mentales

Le progrès technique a un impact sur ce que nous sommes mais tout le monde n’est pas d’accord sur la nature de celui-ci.

  • Pour les partisans du déterminisme technologique, les innovations échappe à notre contrôle.
  • Pour les tenants de l’instrumentalisme technologique, le progrès technique est neutre et maîtrisable.  C’est aujourd’hui le point de vue le plus partagé.

Si certaines inventions ont changé le cours de l’histoire, les technologies informationnelles (écriture, impression) sont moins évidentes à appréhender bien qu’elles modifient durablement la manière dont nous pensons.

Chaque nouvelle technologie apporte une nouvelle manière de lire et d’appréhender notre environnement. 

Le médium c'est le message.

Marshall McLuhan, Pour comprendre les médias

Les technologies (ou medium) informationnelles (écriture, impression, écran) et leurs évolutions successives ont profondément changé nos civilisations et ce que nous sommes. 

  • Chaque médium produit sa propre vision du monde.

  • Chaque médium édicte de nouvelles normes culturelles.

  • Un médium n’est jamais un objet neutre.

La technologie modifie la structure de notre cerveau

Notre cerveau est malléable et se modifie selon la manière avec laquelle nous l’utilisons. Ainsi les technologies que nous utilisons transforme la structure de notre cerveau. On appelle ce phénomène la plasticité neuronale.
C’est un mécanisme par lequel notre cerveau est capable de se modifier tout au long de la vie. Ainsi, 
notre cerveau a la capacité de créer, de défaire ou de réorganiser les réseaux de neurones et les connexions de neurones.

 

Selon le médium utilisé, les zones activées dans le cerveau ne sont pas les mêmes et les schémas neuronaux sont différents.


  • La lecture papier équivaut à la recherche de contenus dans les mers profondes.
  • 
La lecture sur écran nous met dans la position d’un pilote de jet-ski restant à la surface.

Essayez de lire un livre en faisant une grille de mots croisés ; c’est cela, l’environnement intellectuel d’internet.

Nicholas G. Carr, Internet rend-il bête ?

Sur Internet, notre cerveau est stimulé de toute part et il nous est impossible de rester concentré suffisamment longtemps sur les contenus informationnels qui se déroulent sur l’écran. 

Internet met en danger notre intelligence

Une lecture sur écran n’est pas favorable à la transformation d’informations en connaissances.


  • Là où la lecture profonde (sur papier) enrichit, la fréquentation d’hyperliens affaiblit, distrait, éparpille.
  • Là où le savoir se travaille et se consolide, Internet nous prive peu à peu de la faculté à faire le tri des informations pertinentes et utiles.
 

Les recherches scientifiques prouvent qu’une utilisation importante d’internet a des conséquences majeures sur le cerveau. 

  • Baisse de la capacité mémorielle.
  • Baisse de la concentration.
  • Baisse de l’aptitude à lire « en profondeur » (par opposition à une lecture superficielle).
  • Baisse de la capacité d’analyse.
  • Baisse de la compassion.
Carr explique qu’il existe deux types de mémoire : mémoire de travail et mémoire long terme.
 
  • La mémoire c’est de l’attention, du temps et de la répétition. 
  • Internet capture notre attention, notre temps et ne nous permet pas de nous remémorer ce qui est important. 
Le fait de confier la mémoire à des banques de données extérieures ne met pas seulement en danger la profondeur et l’individualité du moi. Il menace aussi la profondeur et le caractère distinct de la culture que nous avons tous en commun.

Nicholas G. Carr, Internet rend-il bête ?

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